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Forum » » La Taverne du port » » Des nouvelles de "Marie Alice"


Posté : 04-07-2009 icone du post

De Cayenne à Trinidad

L'escale en Guyane va être l'occasion d'une révision complète du bateau et de son équipage. En premier il faut s'occuper de Nathalie. Nous l'emmenons aux urgences de l'hôpital de Cayenne où sera diagnostiquée une infection cutanée. Il va lui falloir du repos et des antibiotiques. Pour moi il est urgent que je trouve un dentiste. Une de mes incisives est en train de tomber et finalement cela sera deux dents qui me seront soustraites pour les remplacer par des toutes neuves en résine. Et enfin se sera le tour de Marie-Alice qui a beaucoup souffert lors de cette remontée avec une humidité à 90% du au climat équatorial.
Beaucoup de connexions électriques donnent des signes de défaillance. Mon Pc de bord a des ratées et l'autre a carrément rendu l'âme. Je n'ai pas eut d'autre choix que d'en racheter un. Puis cela a été le tour du groupe électrogène qui semble avoir serré. Comme si cela n'était pas suffisant afin que je n'aie plus de 220v à bord c'est l'onduleur qui a rendu l'âme. Il fallait penser à faire la vidange et l'entretien du moteur. Enfin réparer la plateforme arrière. Bref de quoi s'occuper pendant quelques jours avant de penser au tourisme.

En Guyane si l'on a des amis sur place on trouve à peu près tout mais il faut être patient. Mon ami d'enfance qui habite depuis plus de 20 ans à Cayenne nous a été d'un secours plus que précieux. Que cela soit pour un rendez-vous chez le dentiste où il faut habituellement attendre trois mois où pour trouver la pièce du bateau introuvable. Ce cher Eric qui a des amis partout solutionne tous les problèmes.
Nous avons le temps et nous avons prévu nous arrêter au minimum trois semaines ici. Nathalie fortement éprouvée ces dernières semaines, décide de rentrer en France avec Crevette. Je remontrais Marie Alice seul jusqu'à Trinidad pour la laisser le temps de la période cyclonique. Nous avons élu domicile chez mes amis et nous nous réhabituons à une vie de terrien. La belle Marie-Alice reste seule au port de Dégrades de Cannes.

Le port de Dégrades de Cannes n'a vraiment rien de la marina idéale. Située au bout d'un chenal interminable avec un courant traversier important elle est implantée sur le fleuve Mahuri. Il faut dépasser les vedettes militaires et le port de commerce pour apercevoir les pontons et les mats des voiliers. Entre le port de commerce et la marina se trouve un terminal maritime qui alimente une usine de ciment. Cette erreur d'implantation à pour conséquence deux fois par mois de recouvrir nos bateaux d'une couche de poussière de ciment particulièrement difficile à nettoyer.
La marina est surchargée de bateaux qui occupent leurs places à l'année. Beaucoup d'équipages se sont arrêté ici pour travailler afin de refaire la caisse de bord, au point même qu'un journaliste de la presse écrite guyanaise comparait la marina à un camp de réfugié. Heureusement la solidarité entre marin fonctionne et on trouve toujours une place pour un plaisancier en transit.

Après une manœuvre délicate dans le fort courant du Mahuri j'ai pu amarrer Marie-Alice à couple d'un autre bateau. Les installations électriques sont plus que précaires mais un petit bricolage me donnera le courant.

Passé les premières urgences nous pouvons songer à découvrir les curiosités de ce département d'outre mer.

Pour notre première sortie nous avons choisi l'îlet la mère. Situé à quelques miles de Dégrades de Cannes cette petite île se trouve à tribord du chenal en sortant. L'abord n'est pas particulièrement aisé car comme tout le long de cette côte de l'Amérique du sud les fonds ne sont jamais importants. Nous sommes donc obligé de mouiller à la pointe nord de l'île et finir en annexe. Un débarcadère et une aire de pique-nique y ont été aménagés. Le site est magnifique. Nous débarquons avec nos amis et le repas du midi. Nous sommes au milieu d'une végétation tropicale exubérante et les pluies tropicales nous ont épargnées jusqu'à lors.

A peine installée sur les tables et bancs en bois, nous avons l'heureuse surprise d'une compagnie inattendue. Une colonie de petit singe semble très intéressée par notre repas. Ils nous surveillent à quelques mètres perchés sur des branches. Leur arrogance est sans limite et cela nous amuse beaucoup. Certains même sont passés en courant sous la table pour essayer de nous chiper quelques nourritures. Heureusement Crevette monte la garde et nous pourrons manger tranquille sans être obligé de tout surveiller. Elle monte une garde active et courre après tout ce qui passe à moins de deux mètres de la table.
Un sentier côtier a été aménagé. En le suivant nous pouvons apprécier les différentes essences d'arbres tropicaux et les petites criques sauvages. Mais la journée avance et il faut songer à rentrer. La journée sera bien remplie et nous rentrerons en fin d'après midi.

Nous décidons de louer une voiture pour visiter plusieurs lieux caractéristiques de la Guyane. Nous commencerons par le site d'Ariane espace à Kourou. Depuis les années 70 la France a choisie la Guyane pour ses tirs de fusée. Faut dire que la situation géographique de ce département d'outre mer en fait un site de premier choix. Sa proximité de l'équateur permet aux lanceurs d'économiser un maximum de carburant pour mettre en orbite leurs satellites. Le port européen de l'espace est un complexe immense qui fait travailler 1500 personnes sur place.
Des visites sont organisées pour permettre à ceux qui le désirent de découvrir les différents bâtiments où sont assemblés les fusées et les pc de commandements ainsi que le pas de tir. Cette visite guidée qui dure trois heures nous apprendra beaucoup de chose sur ce premier lanceur de satellite commercial mondiale.

Nous reprenons la voiture en direction de St Laurent du Maroni. 200km d'une route nationale à deux voies nous sépare de notre prochaine destination. Même s'il s'agit d'une route à deux voies la chaussée est bonne et 3 heures après nous arrivons à St Laurent. C'est la ville tristement célèbre du camp de la transportation accueil du bagne. Il est 18 heures, la nuit tombe, nous visiterons la ville demain. En Guyane la vie est chère et les infrastructures hôtelières pas toujours à la hauteur. Nous avions réservé à l'hôtel du lac qui s'est révélé bien médiocre en rapport du prix demandé. Pour la suite nous avons été mangé le fameux jamais goûté spécialité de poisson guyanais qui nous avait été recommandée. Ce jamais gouté ne nous a pas laissé un souvenir intarissable et même si on ne l'avait jamais gouté cela n'aurait pas une perte inestimable !


Au petit matin la ville nous apparu beaucoup plus typique que Cayenne. Les rues sont bordées de maisons traditionnelles aux styles coloniaux. Nous arrêtons nos pas sur un marché très couleur locale où les différentes communautés se côtoient pour vendre leurs différentes marchandises. Nous reconnaissons les hmong, les marrons, les surinamiens et les chinois.

En continuant la ballade le long des ses rues animées, nous arrivons à la sous préfecture. C'est une ancienne maison de maître restaurée. Le quartier dans lequel nous nous promenons s'appelle le petit Paris. A l'époque du bagne ces quartiers étaient entretenus par cette main d'œuvre gratuite. Il s'agissait de bâtisses élégantes occupées par les cadres de l'administration pénitentiaire. Le long du Maroni le reste d'un ponton et un cabanon avec une balance nous rappelle le débarcadère du bateau où étaient débarqués les bagnards. Nos pas nous guident au fameux camp de la transportation. Construit en 1855 c'est ici que c'est joué une période sombre de notre histoire. Les bagnards avaient remplacés la main d'œuvre gratuite de l'esclavage. Lorsque nous passons la porte de l'enceinte pour arriver sur cet alignement de bâtiments nous pouvons imaginer ce qui pouvait se passer dans la tête de ces hommes qui en avaient prix pour plusieurs dizaines d'années.
La première salle était prévue pour l'accueil des nouveaux arrivants. Ils étaient enchaînés aux anneaux scellés dans le mur. Ensuite nous découvrons les cellules. Deux mètres sur un avec une planche de bois c'est l'unique univers des détenus. Le plafond est à claire voie et laisse passer la pluie tropicale. Dans cet univers de chaleur intense et d'humidité à 90% les êtres dotés de santé fragile ne devait pas faire de vieux os.
En quittant le bagne nous repensons à Papillon ou encore à l'affaire Sesnec. Sur la route qui nous ramène à Cayenne nous nous arrêtons à Iracubo où une église à été décoré par un bagnard. C'est une curiosité qu'il ne fallait pas manquer pour découvrir le talent de cet artiste inconnu faussaire de son état.

Nous ne pouvions pas quitter la Guyane sans aller voir la ponte des tortues Luth. C'est assez extraordinaire de voir ces animaux tout droits sortis de la préhistoire gravir les plages. Cela se passe à une époque précise et nous pouvons les observer juste avant la marée haute lors des grands coefficients. Dés que nous arrivons sur la plage nous avons la chance de voir une de ces géantes. La tortue à fait un énorme trou et y dépose ses œufs .On la voit accoucher dans la douleur et les larmes lui coulent des yeux. Au bout d'une demi heure lorsqu'elle a finit, elle recouvre son trou avec le sable et repart vers la mer. Cette énorme bête a toutes les peines du monde pour se mouvoir sur le sable. Epuisée par la ponte elle se hisse sur les monticules de sable pour rejoindre la mer. De temps en temps elle s'arrête épuisée pour reprendre son souffle. Enfin elle touche l'eau et retrouve toute son aisance, et disparaît dés la deuxième vague.


Le séjour en Guyane touche à sa fin. Nathalie est repartie pour la France et je fais les derniers préparatifs pour reprendre la mer. J'ai trouvé un équipier pour la dernière étape de notre voyage qui doit nous mener à Trinidad. Cette escale en Guyane a été l'occasion de retrouvaille avec mon ami d'enfance Après la gastronomie Brésilienne qui n'est pas une référence en la matière, ce fut un réel plaisir de faire la fête et de retrouver notre bonne cuisine française.. Mais il faut penser à repartir pour terminer la première partie de ce voyage. La prochaine escale sera les îles du salut puis Paramaribo au Surinam pour finir à Trinidad. Là je laisserai Marie Alice pendant la période des cyclones.

Nous quittons ce lundi 15 juin au matin le port de Dégrade de cannes. Mon ami Eric est sur le ponton et nous fait des signes de la main pour nous dire au revoir. Marie Alice s'élance dans le courant de la marée descendante dans ce chenal qui nous conduit à la mer. Le temps est gris et l'humeur est morose. C'est toujours ainsi lorsque l'on quitte une escale où on était bien. Nous voguons doucement avec mon nouvel équipier vers les îles du salut. C'est 35 miles qui nous séparent et cela sera seulement en fin de soirée que nous arriverons devant l'île Royale. Le mouillage est rouleur nous passerons la nuit un peu chahuté par une houle qui rentre par le travers.

Au petit matin nous nous réveillons sur un paysage idyllique. Ce sont trois petites îles à la végétation tropicale exubérante nous entourent. Avant de visiter les anciennes installations du bagne, il faut d'abord penser à nettoyer le bateau. L'eau était tellement trouble au port de Dégrade de Cannes que l'on ne voyait pas à 30 cm. Nous reprenons donc la corvée du grattage mais cette fois-ci dans une eau plus claire. Beaucoup de crustacés s'étaient accumulés le long de ce séjour au port et pas un cm² de coque n'a été épargné. La séance nettoyage nous a bien pris deux heures à deux.
Nous pouvons à présent penser à visiter ce haut lieu de l'histoire du bagne français. Les bâtiments administratifs de l'établissement pénitencier se trouvaient sur l'île royale. Ils ont été restaurés et l'un d'entre eux a été transformé en hôtel restaurant. Si nous ne connaissions pas l'histoire de ces îles nous pourrions penser à des lieux paradisiaques. L'écrin de verdure tropicale est luxuriant. De nombreux animaux vivent en toute quiétude. Nous croisons des cochons bois, des paons, des faisans. L'île est entretenue et des chemins soignés qui en font le tour, nous emmène visiter les différents bâtiments.

L'après-midi nous décidons de changer de place pour trouver un mouillage plus calme pour. Nous traversons le petit chenal entre les îles et mouillons Marie-Alice devant l'île St Josef. Nous descendons à terre. C'est ici que les prisonniers étaient détenus. Les bâtiments n'ont pas été restaurés à part l'église et le phare. On peut tout à fait imaginer le quotidien des bagnards dans cet enfer vert humide et chaud. Les pluies incessantes tropicales qui mouillent leurs cellules sans toit. Nous nous engageons dans un grand bâtiment où se trouve une immense courre centrale couverte. Tout autour des grilles solides donnent sur des couloirs sans fin où se trouvent les cellules. Ces dernières ne représentent même pas le minimum vital. D'environ deux mètres de long sur un mètre cinquante de large, elles sont juste équipées d'une bannette en ciment ou le prisonnier pouvait s'allonger. Le plafond est composé de barreaux et laisse passer la pluie.

Nous sortons de ces bâtiments avec une impression bizarre en pensant à la vie de ces pauvres malheureux. Le sentier à présent nous conduit au cimetière face à la mer. Quelques cailloux alignés délimitent les tombes. Nous apercevons ce qui ressemble à un treuil. Scesnec était détenu à l'isolement en face sur l'île du Diable c'est le reste du système de câble qui servait entre les deux îles pour faire passer les vivres pour survivre (si on peu appeler cela ainsi). Lorsque l'on voit les brisants et les courants on comprend aisément que les tentatives d'évasions étaient quasiment impossibles.

Nous rentrons au bateau pour le repas du soir. Demain nous attend une étape de 195 milles pour rejoindre Paramaribo au Surinam. Au lever du jour nous appareillerons.

Le jour se lève sur les îles du salut et le temps est gris. Un petit zef nous accompagne grand largue. Ça y est nous sommes partis pour cette étape de 190 milles. J'ai prévu en partant tôt le matin arriver le lendemain 14h à l'entrée du chenal d'entrée du fleuve Surinam. Le vent n'étant pas très puissant nous sollicitons l'ami Volvo pour maintenir notre moyenne. Malgré tout cela nous arriverons seulement à 16 heures à l'entrée du chenal.

Ce que je n'avais pas calculé c'est la longueur de ce dernier. C'est 16milles qui séparent la première bouée du chenal au mouillage que nous avons repéré sur les instructions nautiques. Apparemment il est possible de mouiller devant l'hôtel Tourarica en moyennant finance pour en avoir les commodités. Tout aurait été parfait si l'horaire avait été respecté. En guise de cela nous voici contre un courant de 3 nœuds qui ralentit considérablement notre allure. Comme un tracas ne vient jamais seul c'est ici que l'ami Volvo joue des sienne. L'alarme de charge se met à sonner et le bruit de courroie me confirme que cette dernière patine. Ce n'est pas tout à fait l'endroit pour la changer, de plus le vent n'est pas franchement avec nous mais en réduisant les tours moteurs j'arrive à stabiliser ce patinage.

Nous avançons à peine à 2 nœuds 5 à contre courant et vu la distance qu'il nous reste nous allons arriver de nuit. Qu'importe, patiente et longueur de temps vaut mieux que force et ni que rage. Le long de notre longue remontée nous avons le droit à la visite de la police maritime. La vedette s'approche doucement et le fonctionnaire enjambe les deux bastingages alors que nos deux bateaux continuent à faire route. L'homme est assez sympathique. Il nous demande nos papiers et contrôle nos passeports avec l'acte de francisation. Il rempli deux trois papiers, je lui déclare mon fusil et me dit c'est bon. Je lui demande si j'ai d'autres formalités à faire et il me répond que c'est bon. Il ne tamponne même pas nos passeports et nous souhaite la bienvenue au Surinam. Ce premier contact est convivial et les fonctionnaires de ce pays semblent être assez cool nous verrons par la suite.

La nuit commence à descendre et nous remontons c'est interminable chenal à la vitesse d'un escargot. Finalement après avoir laissé la dernière bouée rouge à tribord nous arrivons devant le Tourarica. Pendant cette longue remontée j'avais eu le temps de gonfler l'annexe et c'est à 21 heures que je mouille mon ancre dans ce courant du diable.

Question : Est-ce que cela va tenir ? Réponse Je laisse filler mes 40 mètres de chaîne et le bateau se stabilise à 50 mètres du ponton de l'hôtel. Un grand coup de marche arrière pour sécuriser le tout et nous voilà ancré.

Autre question : Comment cela va se passer à la renverse ? Réponse nous verrons cela le moment venu.

Après cette longue étape fatigante nous optons pour un souper léger et le sommeil mérité. Nous irons à terre demain.

La renverse de courant c'est bien passé et Marie-Alice semble s'accommoder de ce mouillage en fort courant. Nous prenons contact avec l'hôtel pour signaler notre présence et nous inscrire pour profiter des douches et des commodités de l'hôtel. La surprise a été forte lorsque l'employée de la réception nous a annoncé le prix ! 50 dollars us par jour. Cela fait cher la douche mais qu'importe maintenant que nous sommes installés je n'ai pas trop envie de changer de place. J'accepte en arrivant quand même à frouiller 2jours sur les 4

Nous remettrons la mécanique partie à demain matin. Nous avons hâte de profiter d'une bonne douche et de se civiliser.

Le premier contact avec la ville est assez surprenant. C'est la hollande sous les cocotiers avec une population créole très courtoise. La ville est coquette. Par contre, nous manquons plusieurs fois de nous faire écraser peu habitué de voir rouler les voitures à gauche. Presque toutes les maisons peintes en blanc sont en bois avec le style hollandais. Le palais du président de la république est imposant et fait face à une place immense plantée de cocotiers. Nous nous promenons dans la ville en toute quiétude. Une atmosphère de tranquillité plane sur cette citée.

A chaque nouvelle escale c'est toujours le même rituel. D'abord il faut trouver de l'argent local puis acheter de quoi se nourrir. Après nous pourrons apprécier le confort d'une terrasse de café avec une bière glacée. Malheureusement tout n'est pas toujours simple. Ici trouver un distributeur de billet qui fonctionne avec la carte visa internationale relève du parcours du combattant. Somme toute au bout de deux heures après m'être battu avec les distributeurs je finis par acquérir les fameux dollars Surinamiens. La journée se passe sans que l'on ait le temps de s'en apercevoir et c'est le soir en rentrant au bateau que mon moteur d'annexe décide de nous faire des misères. Nous voilà cloué au bateau sans possibilités de descendre à terre. L'aventure à la rame dans ce courant de 4 nœuds me semble peu probante. La sortie en ville du soir se retrouve annulée et nous aviserons demain matin.

La nuit porte conseille. Je décide de m'amarrer à portée d'aussières du ponton branlant du fameux hôtel. La manœuvre dans ce fort courant est délicate. Au bout d'une heure, fort d'une ancre avant et une ancre arrière ainsi que de nombreuses gardes au ponton nous finirons par sécuriser la belle Marie Alice à trois mètres des poteaux en bois du débarcadère. De là avec une aussière il nous sera facile de nous servir de l'annexe pour débarquer.



Maintenant c'est les corvées d'eau et de gasoil qui commence avec le ballai des jerricans. Il nous a fallut toute la matinée pour remplir les réservoirs d'eau et de carburant. Il nous reste plus qu'à trouver des vivres pour 5 jours et cela sera terminé. En rentrant il me reste encore à changer ma courroie d'alternateur et nous seront prêt pour appareiller demain matin. C'est le quotidien du plaisancier ! Mais enfin on ne va pa se plaindre nous l'avons voulu non ?! Alors !… Les ennuis continuent ! Décidément rien ne va comme je veux. La courroie de rechange que m'avait donné l'ancien propriétaire du bateau n'est pas la bonne. Tant pis je retends à mort la vieille en espérant qu'elle tienne jusqu'à Trinidad. A cette heure-ci il ne faut pas compter en trouver une ici de plus demain c'est dimanche alors nous nous contenterons de ce bricolage.

Nous ferons contre mauvaise fortune bon cœur et nous allons profiter de notre soirée pour nous détendre avant les 500 milles qui nous attendent.

Nous sommes la nuit du 20 au 21 juin et l'alliance française de Paramaribo a organisée la fête de la musique. C'est dans cette ambiance festive que nous passerons notre dernière soirée au Surinam. Demain nous appareillerons avec la marée pour notre prochaine étape.

Il fait gris et nous quittons avec la marée le ponton de l'hôtel Torarica. La manœuvre est complexe. J'ai mis deux ancres et des gardes de partout pour éviter que la belle Marie se promène dans ce fort courant. Apres avoir lâché les gardes le jeu consiste à sortir les deux ancres qui sont solidement plantées dans la vase. Cette opération est impossible sans l'aide du guindeau. Alors nous lâchons suffisamment d'amarre sur l'ancre arrière pour remonter l'ancre avant. Ensuite il faut reprendre très vite l'amarre de l'ancre arrière lorsque l'avant à décroché pour éviter une dérive trop importante. La dernière opération sera d'arracher la dernière ancre avec le guindeau pour enfin nous libérer.

Ça y est nous voici enfin libre et nous descendons à présent le fleuve Surinam en direction de la sortie. La vitesse de fond est impressionnante. Bien que l'ami Volvo soit handicapé par sa courroie et n'accepte pas plus de 1500 tours nous filons à 7 nœuds. Les bouées du chenal défilent et vers midi nous serons enfin en vue de la dernière bouée.

A présent commence cette longue route monotone. L'alizé n'est pas très fort et nous devons nous écarter de la côte pour retrouver le courant qui va nous pousser jusqu'à Trinidad. La première journée sera achevée avec une moyenne décevante. Nous ferons à peine 98 milles. Malheureusement mon équipier a des impératifs de temps et il faut accélérer. La deuxième journée je solliciterais l'ami Volvo bien fatigué pour nous aider à maintenir une moyenne plus acceptable. C'est enfin au matin du troisième jour que seigneur Eole sera au rendez vous. Ça y est ! Nous avons pris l'autoroute pour les Antilles. Le vent et le courant nous emmènera à plus de 6 nœuds de moyenne pendant les prochains jours et nous fera récupérer notre retard.

Nous aborderons l'île de Trinidad par l'est en doublant le phare de Galera point. Avant cela nous passons devant les énormes plateformes pétrolières qui illuminent de leurs torchères la nuit étoilée. Cette route plus longue que le passage par l'ouest nous fait éviter les cotes Vénézuélienne et la proximité du terrible delta de l'Orénoque ou sévissent les pirates.

Le jour se lève entre Trinidad et Tobago Je suis de quart et je vois doucement apparaître ces îles. Le vent et le courant est toujours avec nous. Marie-Alice file fièrement ces 6 nœuds. Bientôt je vais virer bâbord pour entamer la longue descente de Trinidad. Le soleil commence à pointer ces rayons et par magie cette île montagneuse couverte de forêt tropicale s'illumine. Ce spectacle de privilégié valait bien toutes les petites misères que nous réservent des fois la navigation. Dans ces moments là, il nous semble être seul au monde face à la divination de la nature.

Nous avons 40 milles à descendre afin de passer les fameuses bouches du Dragon qui nous ouvrent la porte de la baie de Chagaramas point final de notre voyage aller.
Ce nom plein d'exotisme nous fait rêver. Déjà un vol de pélican nous accompagne en signe de bien venue. Les nuages passent en descendant le long des crêtes des montagnes et se transforment en grain à proximité des plages. C'est un festival d'arc en ciel. Cette fin de voyage nous réserve une découverte exceptionnelle de paysages.

Cette descente de l'île est interminable et nous sommes impatients de mettre pied à terre. Ces montagnes qui plongent dans la mer sont toujours source à des vents catabatiques. Rompus à ce genre d'exercice en méditerranée, je reste sur mes gardes. Bien m'en a pris ! En milieu d'après midi un grain accompagné de vent de 35 nœuds vient nous secouer copieusement avant d'attaquer la fameuse passe des bouches du Dragon. Je suis un peu inquiet car rentrer dans ce canal d'environ deux cent mètres de large entre les montagnes avec mon moteur poussif et des vents qui tourne au gré des falaises me semble délicat.

La mer nous réserve toujours des surprises et à l'entrée de la passe un magnifique arc en ciel nous attend et le ciel bleu revient. Nous nous engageons dans ce passage étroit. Une petite brise nous permet de faire un prés serré, mais il faudra tirer deux bords pour sortir du canal. A présent nous rentrons dans la baie de Chagaramas. Plusieurs criques se découpent formant des abris calmes pour quelques voiliers au mouillage. De splendides maisons sont ici et là avec leurs pontons privés. La nature est grandiose nous avons le droit au ballet des pélicans qui plongent dans la mer à la recherche de leurs nourriture. C'est magique pour ces derniers milles Marie-Alice est escorté par les dauphins. Nous tirons des bords dans cette baie entre les îlots et nous finissons par arriver à l'endroit où se trouvent tous les chantiers navals. Dans une dernière manœuvre j'immobilise Marie-Alice à une place de la magnifique Marina CrewsIn.

J'arbore le pavillon jaune qui est la marque internationale pour signifier aux autorités que nous n'avons pas encore passés les formalités d'émigration. Des que nous mettons pied à terre le personnel de la marina nous indique les différents bureaux pour faire notre entrée dans le pays. Tout est centralisé et au bout de trois quart d'heure je sors du dernier bureau avec mon passeport tamponné et l'entrée du bateau faite.

Trinidad et Tobago tirent la majorité de leurs revenus du pétrole et du gaz. C'est un état anglophone indépendant adhérent au Commonwealth. Sa position géographique en bas de l'arc des Antilles est suffisamment sud pour le mettre à l'abri des cyclones. Vous l'aurez compris son activité économique n'est pas basé sur le tourisme. Les gens sont sympathiques mais ne font pas particulièrement d'effort pour les visiteurs. De plus ils parlent l'anglais avec un terrible accent pratiquement incompréhensible à mon anglais de ponton !! Mais qu'importe cela fait aussi parti du voyage.

Autour de la baie de Chagaramas une énorme activité nautique s'est implantée. De nombreux chantiers navals se sont installés avec des infrastructures qui feraient rougir nos meilleurs chantiers. Les énormes travel lift peuvent sortir des bateaux de plus 50 tonnes. C'est la Mecque de la plaisance. On trouve tous les corps de métiers et toutes les marques sont représentées. Pas de problème pour trouver la petite pièce moteur qu'il vous manquait ou pour faire réparer votre matériel électronique. L'univers est anglo-saxon. La majorité des pavillons sont Américains ou Anglais voir certains autres de complaisance tel le Delaware ou Gibraltar. Si au Brésil on rencontrait une majorité de Français, ici faut les chercher. J'ai quand même reconnu quelques bateaux à secs de certains copains. C'est le lieu de ralliement de nombreux bateaux qui naviguent dans les Cara&iunl;bes afin de se mettre l'abri pendant la période des cyclones. Les prix bien que n'étant pas bon marché reste acceptables.

C'est sur, j'ai choisi la marina la plus chic de l'île. Elle fait partit d'un complexe hôtelier très élégant au charme british. Le personnel habillé au couleur de l'entreprise est très courtois et veille à ce qui ne nous manque rien. Nous avons même droit tous les matins au journal livré a domicile. Les captain ou comandant voir sir font parti du vocabulaire. Cela m'amuse beaucoup en repensant à l'accueil des capitaineries françaises ou il arrive parfois que l'on oublie de vous dire bonjour. Une fois enregistré dans les livres de la marina nous allons enfin pouvoir penser un peu à nous.

J'ai décidé de consacrer au tourisme les deux jours que j'ai à passer avec mon équipier avant qu'il ne reprenne l'avion. J'aurais ensuite deux semaines pour m'occuper de la belle Marie. C'est un minibus Toyota jaune faisant office de taxi collectif qui nous emmène vers Port of Spain. La musique à fond, le chauffeur, téléphone à l'oreille et liasse de billets dans l'autre main, nous conduit à des vitesses impressionnantes. Ça roule à gauche et ça se double dans tous les sens. Finalement au bout d'une demi-heure de cette chevauchée fantastique, nous arriverons sains et saufs dans le centre ville. Avant d'arriver nous avons longé la mer. De nombreuses industries sont implantées en bordures de côtes. Nous observons aussi, d'énormes moles commerciales à l'occidental. Le premier contact avec cette ville est assez décevant. Je m'attendais à une architecture créole avec un centre historique. En guise de tout cela nous nous trouvons face à de bâtiments hétéroclites avec quelques buildings plantés ici et là. On ressent la manne du pétrole qui a poussé les investisseurs à bâtir à la hâte avant que le législateur eut le temps d'organiser tout cela.

Cette ville est assez étrange. Au fil de notre promenade, nous découvrons une église plus traditionnelle coincée entre un bâtiment ultra moderne d'un ministère et un parking. Nous cherchons le centre d'activité. L'endroit où les Trinidadiens boivent un verre ou se restaurent. . C'est en interrogeant la charmante hôtesse de l'office du tourisme qui se trouve dans les bâtiments du ministère du tourisme que nous avons le renseignement. Tout se passe Avenue Ariapita. Alors, allons y boire un verre et manger un morceau. L'activité n'est pas débordante et je m'attendais plus à l'exubérance créole avec plus de musique et de gens dans la rue. En guise de tout cela tout reste bien sage et bien organisé. Que cela ne tienne nous dégustons notre repas finissons notre verre avant de rentrer au bateau.

Au départ de Jean-Yves il est temps de m'occuper de la belle Marie. Imagiez 6 mois de climat à 90% d'humidité avec aucune possibilité de trouver les pièces nécessaire pour un minimum d'entretien. Tout moisit, les traversées agitées cassent parfois des bouteilles dans les coffres etc. Etc. Cette fois-ci c'est son tour et elle l'a bien mérité cette brave Marie-Alice qui nous a amené bravement jusqu'ici.

D'abord c'est le nettoyage de fond en comble et croyez moi ce n'est pas triste ! Il faut débarrasser lessiver et traiter tous les coffres afin qu'ils brillent et soient à jamais débarrassé de ces saloperies de cafards que l'on retrouve parfois. Ensuite c'est la cale du moteur qui a été souillée par quelques fuites qu'il faudra réparer. Vient le tour de la coque qui a accumulée de vilaines traces jaunes en dessus de la ligne flottaison puis c'est la cabine arrière qu'il faut nettoyer et ranger. Enfin viendra le tour du coin toilette, de la cabine avant et du carré pour faire disparaître ces traces de moisissures qui se cachent des fois dans des recoins perdus. Le nettoyage finit il faut attaquer la mécanique avec la réparation de la pompe à eau et de l'alternateur. Pour changer je réparerais pour la neme fois et j'espère la dernière cette satanée plateforme arrière. Enfin, au cas où je m'ennuierais il ne faut pas que j'oublie l'annexe. Son moteur a été remis en état par un mécano local à moi maintenant de la nettoyer.

Maintenant je vais m'occuper de l'administratif et retenir ma place sur le chantier qui va garder la belle Marie Il ne me restera plus qu'a enlever, ranger et plier les voiles, démonter la capote et le Bimini et elle sera prête pour m'attendre sagement sur un ber.
Voila comment s'achève le voyage aller de notre traversée de l'atlantique. Je reprends l'avion pour la France fin juillet pendant la période des cyclones.

Je reprendrais l'aventure à partir de mi-février pour la période du carnaval de Trinidad.

Richard Bessenay

Cet article provient de Infocapagde
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